C’est
le stade ultime de la sélection. Elle permet d’estimer la
valeur, non plus seulement d’exposition, mais également d’élevage
d’un sujet, à savoir ses qualités de reproducteur. En effet,
contrairement au phénotype qui résulte à la fois de l’expression
des gènes et de l’influence du milieu extérieur, le génotype
constitue le patrimoine génétique propre de l’individu, et est
transmis pour moitié à ses descendants. Impossible à déterminer
précisément, l’éleveur ne pourra estimer la valeur génétique d’un
animal qu’en s’appuyant sur :
•
un certain nombre d’observations, de données s’appliquant à l’individu
lui-même, ses descendants, ses collatéraux et ses ascendants ;
• l’utilisation rationnelle
de programmes d’accouplement parfaitement définis.
Au
cours de la sélection génotypique, on cherchera non seulement à
détecter les chiens porteurs de gènes de qualité, mais également
ceux transmettant, ou susceptibles de transmettre, des affections
héréditaires. En effet, même si leur détection repose sur l’expression
clinique, le support matériel des affections héréditaires est
génétique.
Évaluation
du patrimoine génétique de l’animal
Pour être réellement
efficace, la démarche d’évaluation de la valeur génétique d’un
chien comprend différentes étapes qu’il convient de ne jamais
négliger.
Relation entre
génotype et phénotype
Un
chien présentant de grandes qualités phénotypiques, une bonne
présence en ring, une attitude typique de sa race, peut laisser
présager une concentration de gènes intéressants. C’est là la base
même de la sélection phénotypique que nous avons examiné
précédemment.
Étude du pedigree ou
sélection sur l’ascendance
«
La
sélection sur l’ascendance permet d’estimer la valeur
génétique des reproducteurs d’après l’aspect connu et
enregistré des valeurs phénotypiques ou génotypiques de leurs
ascendants. »
Ainsi, un chien
extériorisant un phénotype de qualité, et issu depuis des
générations de reproducteurs ayant produit de « beaux et bons chiens
» a de fortes chances de posséder et de transmettre un génotype de
qualité. Aussi faudra-t-il toujours préférer un chien un peu
moins parfait mais dont les ascendants sont connus et de qualité
certaine, à un chien parfait mais dont les origines sont quelconques
voire inconnues.
Ce type de sélection exige
une bonne connaissance de la race, et un suivi régulier et continu du
plus grand nombre possible de chiens. Elle constitue le plus souvent la
première étape de la sélection.
Examen des collatéraux
Lorsqu’il
cherche à estimer le génotype d’un futur reproducteur, l’éleveur
peut également se pencher sur les caractéristiques des frères et
soeurs. A partir des performances extériorisées par ces derniers, il
pourra estimer la valeur génotypique du chien qui l’intéresse.
Les
caractères restant semblables chez la plupart des chiens de la portée
auront de grandes chances d’avoir été à l’état homozygote
chez au moins l’un des parents et donc d’avoir été transmis à la
totalité de la portée. Même non extériorisés, ces caractères
pourront être transmis à la descendance.
Sur
cette base, on comprend qu’il puisse être possible, dans certaines
conditions, d’utiliser comme reproducteur le frère d’un champion
reconnu, lorsque ce dernier n’est pas disponible.
Examen de la
descendance
C’est
l’ultime étape de la sélection génotypique (parfois la plus
importante). En effet, la priorité pour un bon reproducteur est de
donner naissance à des chiots de qualité, garants de sa valeur
génotypique.
« Un bon reproducteur est donc simplement celui qui donne de bons
produits. »
A
partir de cette constatation,
il est possible de mettre en
place des échelles de valeur permettant de coter les reproducteurs en
fonction de la qualité de leur descendance.
Il
devient ainsi nécessaire d’établir un système de pointage précis,
permettant de classer entre eux les chiens selon les qualificatifs obtenus au
cours des expositions régionales et des nationales d’élevage. Pour chaque
reproducteur, on pourrait prendre en compte la valeur de la totalité de sa
descendance en additionnant les points obtenus au cour d’une saison par
chacun des chiots dont il a été le géniteur.
Difficultés
liées à la pathologie héréditaire
En
fait, le problème principal pour les propriétaires, les éleveurs et les
clubs de race est de savoir avec certitude si tel ou tel géniteur, ou futur
géniteur, est ou non porteur d’une maladie dite génétique.
Le
problème débute avec la complexité du déterminisme génétique dont
relèvent les affections héréditaires.
Schématiquement, il existe trois cas de figures :
•
certaines affections sont sous la dépendance d’un gène dominant : celui
qui possède ce gène l’exprime, et est donc facilement repérable ;
•
d’autres relèvent d’un gène récessif : le porteur n’exprime pas
forcément la maladie, mais il peut par contre la transmettre à la
descendance à la faveur de tel ou tel accouplement ;
•
le cas le plus complexe recouvre toutes les affections sous la dépendance non
seulement d’un ou plusieurs gènes, mais également du milieu : nous entrons
dans le cadre de la génétique quantitative ; ici également, le porteur peut
ne pas exprimer la pathologie.
Il
est également certain qu’en sélectionnant un caractère donné, on peut
sélectionner un gène responsable d’une pathologie. Il ne faut pas oublier
en effet qu’un seul chromosome est porteur de milliers de gènes, et donc
que chaque caractère ne peut être systématiquement hérité indépendamment
des autres (il existe entre certains caractères des degrés de liaison
éminemment variables).
Le
problème n’est donc pas tant de
connaître le déterminisme génétique précis de chacune des affections que
de localiser les porteurs sains. Ce sont en effet eux qui, le plus souvent,
transmettent insidieusement, de génération en génération, les tares.
Critères de non–confirmation
La
détection des affections héréditaires repose encore actuellement sur le
seul examen clinique. Les travaux de la Commission Zootechnique de la SCC du
25 avril 1984 ont permis de définir une liste de critères de non–confirmation,
retenant certaines anomalies réputées à support génétique :
•
monorchidie, cryptorchidie ;
•
prognathisme supérieur ou inférieur ;
•
absence de 2 PM4 (4ème prémolaire) ou de 3 PM (dont une seule PM4).
Les prescriptions des standards
relatives à la dentition sont cependant souvent plus sévères : « Un
sujet reproducteur doit avoir une dentition sans défaut, en ciseaux,
complète (42 dents) ».
Toutefois,
en toute logique, il ne peut y avoir exclusion systématique de
la reproduction que si l’incidence du phénomène est particulièrement
faible au sein de la race ou lorsque l’on observe l’instauration d’une
nuisance particulière sur la fonction dentaire :
•
absence simultanée de plusieurs dents ;
•
absence d’arcade incisive ;
•
absence de carnassières ou de canines.
En ce
qui concerne l’ectopie testiculaire, il est convenu par tous
que « les mâles doivent avoir deux testicules d’apparence normale, complètement
descendus dans les bourses au moment de l’examen ». Par apparence
normale, la Commission Zootechnique de la SCC (directives du 02 juin 1977)
signifie que :
•
la consistance des testicules doit être analogue ;
•
le volume du plus petit doit être supérieur à la moitié du plus gros ;
•
le cordon doit être souple.
Il est bien évident que l’examen de ces critères doit
également tendre à mettre en évidence les manœuvres visant à masquer la
présence d’un défaut par correction chirurgicale, ou l’utilisation de
prothèses ; en particulier lorsque les défauts ont un impact psychologique
sur le propriétaire, indépendamment de l’affectivité de celui-ci.
Nécessité d’enquêtes
d’évaluation
Face
à l’existence de porteurs sains, les mesures d’exclusion semblent a
priori insuffisantes. L’éradication des tares génétiques doit passer
par une détection plus efficace, détection nécessitant l’intervention
conjointe de toutes les parties concernées :
•
les clubs de race, qui doivent informer les propriétaires et éleveurs de l’existence,
de l’apparition ou de l’importance d’une tare donnée dans la race. C’est
également à eux de faire circuler les informations entre les différents
partis et de prendre les mesures qui s’imposent ;
•
les vétérinaires, qui doivent s’attacher à diagnostiquer de manière
précise les affections héréditaires, à renseigner les propriétaires en
particulier en déconseillant la reproduction à un chien atteint de maladie
génétiquement transmissible ;
•
les éleveurs enfin, qui doivent s’engager à divulguer l’existence
éventuelle d’une tare dans une portée ou une lignée. Il leur faut
également ne pas utiliser de reproducteur ou tout du moins ne pas allier deux
géniteurs produisant des chiots manifestement atteints.
Le
sérieux et l’honnêteté de tous,
une bonne entente et une circulation efficace des informations devraient
aboutir à une meilleure connaissance de la pathologie héréditaire. En
effet, seul le suivi de la descendance d’un reproducteur, la connaissance
des parents, des frères et sœurs, peut faciliter la détection d’un
éventuel porteur sain, en particulier dans le cadre des affections à
déterminisme quantitatif.
L’application pratique de telles mesures est malheureusement
difficilement envisageable :
•
de nombreux chiens ne sont jamais exposés, en particulier ceux atteints de
tares invalidantes. Il est donc impossible d’examiner l’ensemble des
descendants, frères et sœurs d’un sujet donné ;
•
il est généralement courant dans le milieu canin de passer sous silence
plutôt que de dévoiler l’existence d’une tare ;
•
enfin, l’estimation de la qualité génotypique d’un chien reposant en
grande partie sur la valeur de sa descendance, il est par conséquent
important pour l’éleveur de céder ses chiots à des propriétaires
motivés et s’engageant au moins à faire confirmer leur chien. Cela
n’est pas toujours le cas, et il est dommage qu’un certain nombre de
reproducteurs ne peuvent de ce fait confirmer leur éventuelle valeur et
soient ainsi écartés de la sélection.
Mesures courantes
de prophylaxie génétique
Actuellement,
la prophylaxie des tares héréditaires repose sur l’interdiction de
reproduire des sujets cliniquement atteints : elle se limite à contrôler
lors de la confirmation si le chien est ou non atteint cliniquement des
affections héréditaires citées comme points de non confirmation dans le
standard.
En
écartant de la reproduction ces chiens, dont on est pratiquement sûr qu’ils
transmettent des gènes défavorables, un club de race met en place un début
de sélection génotypique.
Cependant,
une fois confirmé, le chien obtient son droit à la reproduction : même
porteur sain, donc transmetteur de gènes défavorables, il pourra continuer
de reproduire. Pour pallier à cette aberration, il devrait être possible de
retirer de la confirmation les géniteurs qui manifestement produisent des
sujets atteints.
Dans
le même ordre d’idée, il
faudrait exiger d’un géniteur destiné à devenir reproducteur d’élite
de produire certes de beaux descendants, mais également des descendants
sains. C’est seulement après avoir fait la preuve de la qualité de
son génome qu’il obtiendrait ce titre. Se pose alors toujours le même
problème : comment contrôler la majorité sinon la totalité des chiots d’une
portée, et l’ensemble des portées d’un reproducteur ?
Une
autre solution pour soustraire de la reproduction un certain nombre de
porteurs sains serait, lorsqu’on détecte un animal atteint, d’éliminer
de la reproduction non seulement ce sujet, mais également ses parents, sa
descendance, et éventuellement ses collatéraux.
Cette
mesure draconienne ne peut évidemment s’appliquer que si la race concernée
possède un effectif important et que la tare est suffisamment rare. Dans tous
les autres cas, cela aboutirait à une trop grande diminution du pool
génétique de la race, et cela serait bien plus néfaste que l’existence
même de la tare. Si cette solution est parfaitement envisageable dans les
domaines de l’élevage de rente, elle devient pratiquement inconcevable en
élevage d’animaux de compagnie…
Il faut alors mettre en place des moyens de contrôle plus efficaces des
géniteurs, en particulier de ceux destinés à devenir reproducteurs d’élite,
donc a priori à avoir une descendance nombreuse.
En
contrôlant de manière systématique
parents, collatéraux, descendance, on pourrait évaluer avec plus de
certitude si le géniteur est ou non porteur d’une éventuelle pathologie
héréditaire.
Cela
ne devrait pas forcément aboutir à l’interdiction de reproduire de tous
les supposés porteurs, mais permettrait déjà une meilleure approche des
maladies génétiques. Leur connaissance et leur éradication ne pourront se
faire efficacement que si les intéressés – éleveurs, propriétaires,
vétérinaires, juges et expert-confirmateurs, clubs de race, SCC –
acceptent de collaborer avec « honnêteté, détermination et continuité »…
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