La
DCF : maladie héréditaire
Le
caractère héréditaire
de la
dysplasie
coxo-fémorale
(DCF) est parfaitement établi, le nombre de publications qui sont
consacrées
à
cet aspect du problème étant particulièrement
important.
L’affection relève
d’un
déterminisme génétique de type quantitatif avec
un effet “de seuil”
(pour manifester l’affection, l’individu
atteint doit héberger
un
nombre minimal de gènes codant pour
l’affection). Récemment, plusieurs
chercheurs
(Diestl, 2006), sans récuser ce schéma
de transmission héréditaire, ont évoqué
l’existence d’un “gène majeur“, jouant
un rôle plus important au sein du “pool”
de gènes codant.
La
manifestation phénotypique est naturellement liée
au génotype de l’individu, mais elle
est influencée par les facteurs de milieu (ou
“facteurs d’élevage”) au sein desquels l’animal
effectue sa croissance. Pour autant,
il
faut éviter de faire l’amalgame entre la cause
réelle de l’affection, de nature génétique, et
les erreurs d’élevage (alimentation,
exercice,...)
susceptibles de favoriser l’expression de
ce patrimoine génétique. Pour Diestl,
le rôle des facteurs extérieurs a été largement
exagéré, et n’interviendrait que pour
10 % de l’expression phénotypique. L’héritabilité
de la DCF est relativement faible, ce
qui ne permet qu’une progression très
lente dans la sélection de reproducteurs dont
le patrimoine génétique est favorable vis-à-vis
de l’affection. Le problème est particulièrement aigu
au sein de certaines races
à faible effectif, dans lesquelles le taux
de DCF est très élevé. En effet, plus l’héritabilité
est faible, moins la sélection portant
sur le phénotype (c’est-à-dire l’aspect
radiographique des hanches dans le
cas présent) est fiable.
Au plan individuel,
vis-à-vis
de la DCF, le phénotype ne reflète que de manière très imparfaite le génotype
de l’individu. Il en résulte que la sélection,
pour être la plus efficace possible, doit
intégrer un maximum d’informations en
prenant en compte le phénotype des
ascendants, des frères et sœurs, et des descendants.
Il est en outre recommandé d’effectuer
un suivi de descendance afin de
dépister les “faux négatifs” et d’éviter qu’ils
ne participent de manière exagérée à l’extension
de l’affection. Des
travaux sont effectués dans différents pays (et notamment en France),
dans l’espoir de
mettre au point un test de dépistage génétique de
la DCF. La tâche est particulièrement complexe
et, à ce jour, rien ne permet de prévoir
à quelle échéance un test génétique simple
et fiable pourra être disponible.
Dépistage
de la
dysplasie coxo-fémorale (DCF)
Le
dépistage officiel de la DCF
repose,
au plan international, sur la radiographie en
position “standard” (bassin de face,
postérieurs en extension, parallèles entre
eux et avec le rachis, rotules au zénith),
effectuée sur animal anesthésié ou
profondément tranquillisé, à laquelle est
parfois associée une radiographie “grenouille”
(postérieurs en abduction).
Les
erreurs
de positionnement, le fait de pratiquer le
cliché sur animal “vigile” (sans sédation
ni anesthésie) ont des implications bien
connues qui peuvent fausser la qualité du
dépistage. Le procédé de dépistage
actuel
met par ailleurs imparfaitement en
évidence
l’hyperlaxité coxo-fémorale, contrairement
à d’autres procédés qui sont dits
“en contrainte”, mais ne sont pas reconnus
comme procédés de dépistage officiel.
L’hyperlaxité
est pourtant le critère de
dépistage de la DCF le plus fréquent à l’âge
du dépistage officiel. En effet,
les déformations osseuses et les phénomènes arthrosiques
(autres caractéristiques de
la DCF) se développent le plus souvent
après 2 ans, et tout au long de la vie
de l’animal dysplasique. La conséquence est
qu’un certain nombre d’animaux sont considérés
comme indemnes lors du dépistage officiel,
alors qu’ils sont dysplasiques. Ces
individus sont donc de “faux négatifs”, qui
contribuent au maintien de l’affection au
sein des races les plus atteintes.
Le
dépistage précoce
peut
reposer sur un cliché
standard. Dans certains cas,
ce dernier permet d’affirmer l’existence d’une
DCF chez un animal âgé de quelques mois.
Si l’image est normale,
il n’est pas possible
de se prononcer de manière fiable. Le
dépistage peut être clinique, et faire appel
à la mise en évidence d’une hyperlaxité articulaire
(test de Bardens, signe du ressaut
d’Ortolani,...). Le symptôme observé ne
peut cependant pas jouer le rôle de preuve
lorsque l’affection fait l’objet d’une contestation
a posteriori, surtout si le cliché standard
de l’animal ne montre aucune anomalie
et si cet animal a fait l’objet d’une triple
ostéotomie du bassin (TOB) ou d’une varisation
avant qu’un accord amiable, ou par
voie judiciaire, ne soit intervenu entre le
propriétaire et l’éleveur (ou le vendeur).
Les
clichés “en position forcée”
permettent d’objectiver
l’hyperlaxité articulaire. Seuls deux
procédés permettent, à ce jour, de quantifier
le déplacement des têtes fémorales, ce
qui permet d’effectuer des comparaisons entre
individus, ou entre un individu donné
et une moyenne de laxité articulaire raciale.
-
Le
procédé “PennHip” a été mis au point par
Gail K. Smith et publié en 1990. le chien
est anesthésié et placé sur le dos : les fémurs
sont perpendiculaires à la table, en très
légère abduction. Les tibias sont horizontaux et
les postérieurs sont manipulés par
l’intermédiaire des jarrets.
Un premier
cliché
“en compression” est réalisé en pressant fortement
la région du grand trochanter (par
l’intermédiaire de coussins de mousse),
en direction de l’acétabulum.
Le
second
cliché
est réalisé “en distraction”.
Pour ce faire, un appareillage, composé
de deux colonnes radio-transparentes, dont
on peut faire varier l’écartement, est
intercalé entre les cuisses de l’animal. L’écartement
des barres est réglé en fonction
de la distance séparant les deux têtes
fémorales sur le cliché de dépistage standard,
réalisé préalablement à la manœuvre. En rapprochant les jarrets l’un vers
l’autre, de part et d’autre des barres du distracteur,
ces dernières font contre-appui sous
les têtes fémorales, qui sont ainsi déplacées
latéralement.
L’indice de distraction
est
alors calculé en mesurant le déplacement du
centre de la tête fémorale entre le
cliché en compression et le cliché en distraction,
puis en divisant cette mesure par
le rayon de la tête fémorale. Pour Smith,
lorsque
l’indice de laxité articulaire se situe en-dessous
d’un indice donné (< 0,3), l’animal a
de fortes chances d’avoir des hanches
normales
à l’âge adulte. Cet indice de laxité articulaire
n’est fiable qu’à partir de l’âge de
seize semaines. Le
positionnement de l’animal est plus complexe
que celui utilisé dans la technique standard.
Ce système bénéficie d’un brevet
au plan international, qui limite considérablement
son utilisation à grande échelle.
L’appareillage spécifique (le “distracteur”) ne
peut être acheté qu’après avoir suivi
une formation spécifique. Les clichés ne
sont réalisables que par des confrères ayant
obtenu une “certification” qui valide la
maîtrise de la technique, et donne lieu à l’attribution
d’un numéro d’autorisation permettant d’effectuer
le dépistage radiographique par
le procédé PennHip.
Les radiographies doivent
être envoyées à un organisme qui
constitue une banque de données des
valeurs observées et donne la position du
chien vis-à-vis de la valeur moyenne de l’indice
de distraction au sein de sa race. Vezzoni
a mis au point un distracteur moins
sophistiqué
que celui de Smith, mais qui présente
l’avantage d’être bon marché.
Flückiger
a publié un procédé
permettant d’effectuer
un cliché en position forcée, sans
intervention d’un matériel spécifique.
Le
chien anesthésié
est placé sur le dos, les fémurs
sont placés dans un plan perpendiculaire à
la table (comme pour le procédé “PennHip”),
mais ils sont légèrement tirés en
direction caudale, et forment un angle d’environ
60° par rapport à la surface de la table
située en arrière de l’animal. Les membres
sont maintenus et manipulés à la hauteur du
tiers distal du tibia. L’opérateur rapproche
légèrement les grassets, et les deux
postérieurs font l’objet d’une poussée en
direction cranio-dorsale (dans l’axe longitudinal des
fémurs) juste avant la prise du cliché.
Sur ce dernier, l’angle maximal entre le
segment de droite joignant les têtes fémorales (TF)
et l’axe longitudinal des fémurs ne doit
pas dépasser 90°.
En cas d’hyperlaxité,
la
TF se déplace latéralement (comme lors de
recherche du signe d’Ortolani), ce qui s’apprécie
sur la radiographie en effectuant une
mesure de “l’indice de subluxation”, qui
correspond à la distance séparant le centre
de la TF et le centre de l’acétabulum, divisée
par le rayon de la TF.
Flückiger utilise
la cotation de l’animal suivant le procédé d’analyse
qu’il a publié en 1993 (voir plus
loin) et les résultats de la mesure de l’indice
de subluxation (ISL).
Pour lui, seuls
des
animaux classés A ou B, et dont l’ISL est inférieur
ou égal à 0,3, devraient être utilisés
pour
la reproduction.
Au sein d’un échantillon
de
302 chiens
de race pris au hasard, seuls
29 % seraient dans ce cas L’utilisation des procédés de radiographie
“en position
forcée” n’est reconnue dans aucun pays
dans le cadre du dépistage officiel de la dysplasie.
Il sont cependant prometteurs et on
ne peut qu’encourager leur usage (réserve faite
sur l’aspect législatif cité plus haut pour le
procédé PennHip) dans le cadre de la
sélection de reproducteurs à hanches “fermes”
au sein des races fortement atteintes par
la DCF.
La
grille de cotation
utilisée
dans tous les pays
européens (sauf la Grande-Bretagne) est la
grille de la FCI (Fédération Cynologique Internationale).
Elle comprend cinq classes (A,
B ,C ,D ,E).
Aux
USA, le système de cotation est
similaire, les classe A et B étant elles mêmes divisées
en deux sous-classes.
En
Grande-Bretagne,
une classification plus complexe
(“BVA/KC scoring scheme”) prend en
compte neuf paramètres, dont huit sont notés
de 0 (meilleure cotation) à 6 (plus mauvaise
cotation), l’un d’entre eux (rebord acétabulaire
caudal) étant noté de 0 à 5. Il s’agit
:
-
de l’angle de Norberg-Olsson (auquel on
soustrait 90° pour simplifier le calcul)
-
du degré
de subluxation (fonction de la position du
centre de la tête fémorale (TF) par rapport au
rebord acétabulaire dorsal),
-
de l’aspect de l’interligne
acétabulaire crânial, de celui du rebord
acétabulaire crânial,
-
de l’aspect du rebord
acétabulaire dorsal,
-
de l’allure générale de
l’acétabulum, de la qualité du rebord caudal
de l’acétabulum,
-
de l’ostéophytose de
la tête et du col fémoraux, de la modification de
forme de la TF.
Chaque hanche
peut donc
être notée de 0 à 53. Un score supérieur à
10 pour une hanche correspond à une
instabilité majeure, ou à un remaniement prononcé.
Par ailleurs,
une moyenne des
cotations est effectuée pour chaque race, ce
qui permet à un éleveur de savoir où se situe
un individu donné par rapport à cette moyenne.
Ce sytème de cotation est moins subjectif
que le système classique ; il est cependant
assez complexe, notamment pour la
cotation de certains paramètres parfois difficiles à
apprécier sur des clichés dont la qualité
est imparfaite.
En
1993, Flückiger
a proposé une classification prenant
en compte six paramètres, notés
de 0 à 5. Il s’agit :
-
de l’angle de Norberg-Olsson,
-
de la position du centre de la
TF par rapport au rebord acétabulaire dorsal et
de la largeur de l’interligne articulaire,
-
de
l’aspect du rebord acétabulaire craniolatéral,
-
de
l’allure de la plaque osseuse sous chondrale
acétabulaire,
-
de l’ostéophytose de
la tête et du col fémoraux,
-
de la présence de
la ligne de Morgan.
Une radiographie “en
grenouille”
est nécessaire en plus du cliché
classique.
Chaque hanche
est notée séparément,
la cotation finale correspond à celle
de la hanche la plus mal notée. Une cotation
de 0 à 2 correspond à un stade “A”, de
3 à 6 à un stade “B” (nouvel examen recommandé
un an plus tard), de 7 à 12 à un
stade “C”, de 13 à 18 à un stade “D”, au dessus
de 18 à un stade “E”. Cette classification,
plus
simple que celle du BVA/KC, semble particulièrement
intéressante.
Bilan
de dépistage
Les
chiffres disponibles sont rares, il faut par
ailleurs être prudent quant à leur signification réelle
(en France, le dépistage touche au
maximum 20 % des individus dans les races
les mieux “dépistées”).
En
fonction des auteurs, des pays, et des races
canines concernées, les résultats publiés
sont extrêmement variables.
Une étude
rétrospective a été effectuée en France
sur une période de 14 ans, en comparant la
prévalence de la DCF au sein de quinze
races canines entre les périodes 1993-1999
et 2000-2006.
Elle suggère que la
prévalence de la DCF a diminué au sein de
onze races, mais la différence n’est statistiquement significative
que chez six d’entre elles.
Une augmentation du taux de DCF
est observée chez trois races, mais elle n’est
pas statistiquement significative. Enfin, dans
une race (la moins affectée), la prévalence de
l’affection est inchangée.
Aux
Etats-Unis,
l’OFA (Orthopedic Foudation for Animals)
fait état de progrès considérables dans
la plupart des races, mais ces derniers sont
contestés par l’équipe de Smith.
En
Suède,
Swenson rapporte également une baisse
du taux de DCF dans la plupart des races.
En Finlande et en Grande-Bretagne,
les
résultats semblent plutôt mitigés. Il
importe donc de ne pas “baisser la garde” face
à la DCF.
En France, l’objectif le plus important
est certainement, dans un premier temps,
d’obtenir l’abandon des dépistages effectués
sur animal “vigile”, qui sont assimilés
à une fraude dans la quasi-totalité des autres pays européens. Ce procédé
fait peser
un lourd handicap sur les mesures destinées
à limiter la prévalence de la DCF au
sein des races les plus affectées, et risque
de faire perdre le bénéfice de nombreuses années
d’effort.
Il aboutit en effet à
accroître
le nombre de “faux négatifs”
dans une proportion difficilement chiffrable,
et risque de déboucher dans
quelques années sur une aggravation de
la situation. Il isole par ailleurs l’élevage français
par rapport à ses partenaires européens sur
le plan de la qualité du dépistage et
de la lutte contre la DCF.
Depuis
le 02/07/2007 , il est impératif que le chien soit anesthésié ou sous
sédation profonde afin d'assurer une bonne myorésolution
Conférence
présentée à la journée génétique organisée par l’AFVAC-Nord le
25 mars 2007 à Lille-Marcq-en-Baroeul. Publiée avec l'accord de Jean-Pierre
GENEVOIS Professeur de chirurgie
à l’ENV de Lyon, lecteur officiel
des clichés de dépistage
(hanches et coudes)
et expert de la
commission d’appel de la Société Centrale
Canine et de la Fédération
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