DYSPLASIE
DU COUDE
Le terme
de « dysplasie du coude » regroupe l’ensemble des affections
résultant d’un trouble du développement de l’articulation
radio-huméro-ulnaire. Ces affections sont au nombre de quatre :
-
la fragmentation du processus coronoïde (FPC) médial ulnaire :
lésions érosives du condyle huméral médial, associées à la
présence d’un fragment osseux situé au niveau du processus
coronoïde médial (majoration de contraintes sur ce processus).
-
la non-union du processus anconé (NUPA) : absence partielle ou totale
de soudure du noyau d’ossification du processus anconé à la
métaphyse ulnaire proximale (olécrane), secondaire à une
incongruence articulaire (augmentation des contraintes sur le
processus anconé due à un radius long ou à une incisure ulnaire
trop serrée).
-
l’ostéochondrite disséquante (OCD) du condyle huméral médial :
trouble de l’ossification enchondrale qui aboutit à la libération
d’un volet cartilagineux qui se décolle de l’os sous-chondral et
migre dans l’articulation.
-
l’incongruence articulaire (IA) : défaut de coaptation entre les
surfaces articulaires huméro-radio-ulnaires, souvent corrélé aux
affections précédentes. L’incongruence est liée à un
asynchronisme de croissance temporaire ou définitif entre le radius
et l’ulna ou à une anomalie de conformation de l’incisure
trochléaire ulnaire.
Races
concernées :
Les races particulièrement touchées par la dysplasie du coude sont par
ordre décroissant : le Rottweiler, le Bouvier Bernois, le Terre-Neuve,
le Golden retriever, le Berger Allemand et le Labrador. A moindre
incidence : le Chow-chow, le Saint-Bernard, le dogue de Bordeaux, le
Mastiff, le Springer Spaniel, le Shar Pei et certains Terriers.
-
La
FPC atteints surtout les chiens de grande taille : le Rottweiler, le
Bouvier Bernois, les retrievers, le Terre-Neuve, le Berger
Allemand, le
Saint-Bernard, le Montagne des Pyrénées et le Chow-chow. Elle a
également été décrite chez le Lévrier Afghan. La FPC est souvent
bilatérale et peut-être associée à une OCD.
-
La
NUPA affecte des chiens de grande taille comme le Berger Allemand (avec
une incidence allant jusqu’à 18% selon certaines publications), le
Saint-Bernard, le Dogue Allemand, le Labrador, le Pointer, le
Groenendael, le Montagne des Pyrénées, le Braque de Weimar, le
Terre-Neuve, le Setter Irlandais, l’Irish Wolfhound, le Lévrier
Afghan et des chiens de races chondrodystrophiques comme le Basset Hound,
le Saint-Hubert, le Bouledogue Français, le Beagle et le Teckel. On la
retrouve également chez le Pékinois, le Caniche, le Shetland et le
Griffon Bruxellois. La NUPA est bilatérale dans 20 à 35% des cas.
-
L’OCD
touche plus fréquemment les chiens de grande taille et de taille
géante : le Rottweiler, le Labrador, le Golden Retriever, les Setters,
le Lévrier Afghan et le Greyhound. Elle est bilatérale dans au moins
50% des cas.
-
L’IA
atteint particulièrement le Bouvier Bernois, le Basset Hound et le
Basset Artésien.
Déterminisme
génétique :
Une origine héréditaire a été établie pour la FPC : l’héritabilité
est de 0.27 à 0.77. Les mâles sont prédisposés avec un ratio de 3/1.
Le
déterminisme de la NUPA semble être multifactoriel : anomalie de
développement d’origine génétique, trouble métabolique,
nutritionnel ou hormonal, traumatisme.
La
NUPA est secondaire à l’IA, soit par anomalie de conformation
trochléaire, soit par asynchronisme de croissance radio-ulnaire. Les
mâles sont deux fois plus atteints que les femelles.
L’OCD
serait d’origine multifactorielle : apports énergétiques excessifs,
excès de calcium dans l’alimentation, rapidité de croissance et
prédispositions génétiques démontrées chez le Labrador et le Golden
(facteurs génétiques intervenant soit directement sur le métabolisme
cartilagineux, soit par l’intermédiaire de phénomènes aggravant les
contraintes mécaniques exercées sur le cartilage). Les mâles sont là
aussi plus touchés que les femelles.
Expression
clinique : Ces affections provoquent une boiterie du coude sur un
chien en croissance. La FPC est la plus fréquente et la NUPA la plus
rare. Les premiers signes cliniques sont généralement observés vers l’âge
de cinq à huit mois.
-
Les chiens atteints de FPC présentent généralement une raideur du
coude, une démarche hésitante et une boiterie qui apparaît
insidieusement vers l’âge de quatre à sept mois. Une boiterie
discrète avec appui, exacerbée par un exercice prolongé ou du
repos, est typique. Le carpe est souvent maintenu en valgus exagéré,
la main en rotation externe et le coude en rotation interne. L’atrophie
musculaire est peu marquée. Une douleur est déclenchée à l’hyperextension
et à l’hyperflexion du coude. Dans les cas sévères, la palpation
du coude révèle un gonflement articulaire : une fluctuation est
perceptible entre l’épicondyle huméral latéral et l’olécrane.
Lors d’atteinte bilatérale des coudes, le diagnostic est souvent
plus difficile à établir, les signes étant moins prononcés. L’évolution
arthrosique est rapide. Les fragments du processus coronoïde ne sont
pas toujours visibles à la radiographie selon leur position et leur
degré de minéralisation.
-
La NUPA se caractérise par une boiterie discrète à sévère avec
appui, aggravée par l’exercice ou le repos prolongé. La flexion et
l’extension du coude sont réduites lors de la marche, le membre est
en rotation externe. Les signes cliniques apparaissent entre cinq et
douze mois en général mais ils peuvent être plus tardifs : jusqu’à
l’âge de six ans. La palpation révèle une distension du
cul-de-sac caudolatéral du coude et un épaississement de la capsule
articulaire. Une douleur est présente à la mobilisation en hyper. L’amyotrophie
est rare. Le diagnostic radiographique est aisé.
-
L’OCD se développe chez les animaux à croissance rapide dont le
poids adulte dépasse 20 kg. Elle se traduit par une boiterie du
membre thoracique aiguë ou chronique, augmentée après un exercice
prolongé ou le repos. La boiterie est en général modérée au
début de l’affection, progresse vers une suppression totale d’appui
en quelques semaines à quelques mois et l’arthrose se développe.
La manipulation du coude révèle une douleur, provoquée par une
ankylose, des crépitations et une synovite. A la radiographie, on
observe une lésion radio-transparente en coup d’ongle sur la partie
médiale du condyle huméral.
-
L’IA se manifeste par une boiterie d’un ou des membres
thoraciques, une inflammation articulaire et une douleur à la
mobilisation en hyper. Elle est souvent associée à la FPC, la NUPA
ou l’OCD. Sur les radiographie, on observe un interligne articulaire
de taille augmentée et un décalage des surfaces articulaires radiale
et ulnaire.
Diagnostic
: Le diagnostic est clinique et surtout radiographique (technique de
choix). Il faut toujours radiographier les deux coudes car 20 à 50% des
NUPA et FPC sont bilatérales. Pour la NUPA et l’IC, un profil du
coude suffit. Pour la FPC, une incidence antéro-postérieure avec
pronation de 15° et une vue médio-latérale en extension avec
supination de 15° sont nécessaires. Enfin pour l’OCD, une vue
antéro-postérieure médiale oblique est préférable.
L’International
Elbow Work Group (IEWG) a mis en place un mode d’évaluation
radiographique de la dysplasie qui a été adopté par la Fédération
Cynologique Internationale. Ce mode permet le dépistage des lésions d’arthrose
à partir d’au moins une vue de profil en flexion à 45°.
Ce
système n’est pas parfait (puisqu’il induit des faux positifs et
des faux négatifs) mais il permet de classer les dysplasies par grade
[tableau 43] et d’améliorer la sélection (interdire les chiens de
grade II et III à la reproduction):
Modalité de classification de la dysplasie du coude : gradation de la
dysplasie en fonction des lésions radiographiques.
Grade
de dysplasie |
Lésions
radiographiques |
0 |
Coude
normal
Aucune
incongruence
Aucune
sclérose
Aucune
arthrose |
I |
Arthrose
légère
Sclérose
de la scissure trochléaire
Ou
marge ≥ 2 nm entre le radius et l’ulna
Ou
ostéophytes < 2 mm |
II |
Arthrose
modérée
Ostéophytes
de 2 à 5 mm |
III |
Arthrose
sévère ou dysplasie de coude primaire
Ostéophytes
> 5mm
Et/ou
présence d’une NUPA, d’une OCD ou d’une FPC |
Je remercie
Karen Charlet, auteur d'une thèse rédigée en 2004 de m'avoir
autorisé à publier cet extrait.
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